Cette conférence sera présentée par Mr Pierre VALLAUD
Pierre Vallaud
Spécialiste d’histoire contemporaine, qu’il a enseignée à l’Université, il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages portant sur les guerres et sur les totalitarismes. Il s’est penché sur la genèse des « régimes forts » à travers une Encyclopédie du IIIe Reich, une analyse des révolutions russes et du stalinisme et enfin, à travers son ouvrage, paru en octobre 2018 aux éditions Fayard (Russie, révolutions et stalinisme 1905 – 1953), sur le fascisme italien. Il s’est penché également sur les guerres et la crise des démocraties, notamment dans ses ouvrages, Vingt ans de guerre 1919-1939 et La Guerre au XXe siècle.
Russie : 120 ans d’oppression et de malheur
De la veille de la révolution de 1917 à aujourd’hui, le peuple russe et ceux qui ont partagé, de gré ou de force, son destin, n’ont connu pratiquement que l’oppression et le malheur. Pour comprendre la Russie d’aujourd’hui, il est utile de se pencher sur cette histoire tragique qui, de l’autocratie tsariste fondée sur l’appui de l’église orthodoxe et la menace de la police politique, aboutit à celle de Poutine fonctionnant de manière quasi-similaire avec des variantes apportées par l’histoire.
La révolution, confisquée par le coup d’État bolchevique d’octobre censé abolir l’exploitation de l’homme par l’homme et construire une société de liberté, a sombré en quelques années dans la dictature stalinienne et son totalitarisme faisant des millions de morts, après ceux de la Grande Guerre et ceux de la guerre civile. Le Second Conflit mondial, par les immenses sacrifices qu’il a imposés, a contribué au renforcement d’une mythologie collective, attribuant au « Petit Père des peuples » tous les mérites de la victoire et au peuple russe des vertus de résistance bien utiles lorsque l’on est censé être menacé de toutes parts. L’effondrement politique et économique de l’Union soviétique, son démantèlement, au début des années 1990, a laissé espérer, de manière fugace, une embellie. C’était sans compter les « pesanteurs sociologiques et historiques » qui lestaient la Russie. Poutine, pur produit de cette tragique histoire russe, a vite pris le relais, pour donner, dès qu’il en a eu l’occasion, à la « Russie éternelle » un nouvel élan dont on voit aujourd’hui les effets politiques pour son propre peuple ainsi que les conséquences diplomatiques et militaire. En jetant son pays dans la guerre en 1914, Nicolas II pensait provoquer une « union sacrée » qui a fait long feu. En subissant l’assaut hitlérien, Staline a dû en appeler au passé russe, orthodoxie et slavisme, pour fouetter le « patriotisme » soviétique. C’est sur les mêmes ressorts que Poutine s’appuie pour donner un nouvel élan à la Russie telle qu’il la conçoit, lui permettre de s’imposer sur la scène internationale et pour légitimer sa dictature. Et une fois encore, en faisant la guerre et en recourant à l’expansion territoriale.